La mairie des Lilas quand arrivait huit heures
Lentement se peuplait d’ombres convalescentes
Compagnons d’une peine tous les jours renaissante
Clients de la galère et des restos du coeur

Le lieu paraissait sombre pour qui ne connaît pas 
Ses têtes d’ivres morts ces vieilles et leurs cabas
Quand la soupe commune affiche ses couleurs
Et que naît la chaleur sur les joues des sans thunes

Dans leurs gilets qui brillent les quelques bénévoles
S’affairaient à nourrir les bouches affamées
Des garçons et des filles de rues et de rigoles
De passions et de rires plus ou moins bien famés

Émilie était là parmi les gilets jaunes
Son sourire était là pour dompter les yeux fauves
Des clodos aux mains noires et dont le coeur aphone
S’assourdissait ce soir devant un vernis mauve

Et ils lui demandèrent en guise d’au revoir
De pouvoir embrasser sa blanche main d’ivoire
Comme font les seigneurs quand ils voient la princesse
Pas besoin d’être noble pour aimer les déesses

La Mairie Des Lilas [DEMO]

Sans penser à grand chose
Ni rencontrer grand monde
Je délasse sur l’onde 
Les mots que je propose

Le soleil de Belle-Île 
Etendu sur nos fronts 
Ressemble aux belles filles
Aimées d’un coeur profond

Notre bateau au quai
Et nos souvenirs en mer
Doucement nous reviennent 
Et lentement s’oublient

Soufflés par la fumée 
Et les bulles de bières
Pleins de l’ardeur prochaine
De la très ivre nuit

Nous n’avons plus très peur
De parcourir le monde
Car nous vivons sur l’onde
Comme des frères et soeurs

Alanguis sur le pont 
Essoufflés par l'embruns
Distraits nous écoutons
Le son des musiciens

Grande Île Douce Île 
Port de grande plaisance
Douce et belle et grande anse
Archipel de notre idylle

Quand le ciel s’éteindra 
En son ombre et lumière
Sur notre sombre sphère
L’étoile resplendira

Et l’esprit imbibé
De la chaleur stellaire
Sous les fumées et bières
Ira s’entrelacer

En rire ou en baisers
En plaisir ou en guerre
Frapper ou insulter
Il faut choquer ses nerfs

Sur l'île aux maisons calmes
Les habitants le soir 
Ne pensent plus qu’à boire
Agrippant de leurs palmes 

Les chopes et les verres
Qui en éclat brisèrent
Le silence et ils clament
Le bonheur ou l’espoir

Certains peut être dorment
Et leur esprit ailleurs
Se fera voyageur
Dans l’univers énorme

Ce soir nous dormirons alors
En attendant l’aurore 
Reflétant tout son or 
Sur la anse du port


Belle-Île [DEMO]

A entendre le monde grésiller sous ma porte
A sentir tous les souffles de ces millions de gens
Il n’est pas étonnant qu’un jour mon coeur s'emporte
Exportant mon ennui par chemins et par champs

En quittant Tataouine je quittais cet enfant 
Qui avait pour frontières les bras de ses parents
Sous le soleil rasant des matins de décembre
On m’a dit de descendre tout en m’embrassant

Au revoir Tunis quand s’envole l’avion
Je n’ai pas de bagages pas plus que de raison
Je vis au sacrifice du plus grand de mes rêves
La passion de mon âge et tant pis si je crève

Me voila Istanbul sans visa je voyage
Dans la ville rivage où se pressent les mondes
Où se pousse une foule aux millions de visages
Quand se mêle l’odeur des heures vagabondes

Traversant le Bosphore mes yeux alors se troublent
Oh grandiose décor que je ne reverrai pas 
Mais malgré la splendeur mon allure redouble
Car j’entrevois l’étoile qui guide tous mes pas

C’est ainsi que je marche m’approchant de la Grèce
Délaissant la Turquie guidé par la promesse
Qu’un certain jour j’ai lu sur un ordinateur
Je ne suis pas perdu je suis navigateur

Dans un océan d’ombres mes yeux lentement se closent
Au milieu des cyprès des buissons et des roses
A la langueur humaine me répond la luxure
D’être enfant de forêt fécondé de nature
 
J’ai un sommier de mousse et comme couverture 
Une forêt de Suisse qui la nuit me murmure
Le son des lettres d’or des si jolis pixels
Que je garde en trésor sur mon adresse email




J’y ai vu des symboles et fait une statue
A la grande déesse à la fille française
Qui habite si loin en capitale anglaise
Qu’à chaque jour rejoindre un peu plus je me tue

Un peu plus je me tue à chaque jour rejoindre
Cette fille française qui habite si loin
Cette grande déesse au regard de statue
Dont j’embrasse et je baise les mains seins pieds et reins

Ses minces pieds d’airain son regard de statue
Belle est cette image d’elle qu’elle a mis en statut
Sur cette grande toile où se tissent mes rêves
Et tant pis si je crève tant que j’ai mon étoile

Arrivé à Paris accueilli en clochard
Car je suis de la meute des gardien de trottoir
De tous ceux que l’on voit mais jamais ne regarde
Que le bon Dieu nous garde de tomber aussi bas

Écoute Saint Denis capitale des Rois
Car te voila un prince se pressant contre toi
Il couche sur ton sein et se morfond du froid
Il n’aurait presque rien s’il n’avait sa foi

Oh je suis comme un chien couché sur le trottoir
Mon grand Dieu où es-tu caché dans tout ce noir
J’ai besoin de chaleur car il gèle à pierre fendre
Et mon coeur de pierre tendre n’attend que ta lueur

Ta lueur à l’attendre doucement lui fait fondre
L’espoir qu’un jour peut être il entrera dans Londres
L’espoir qu’ont tous tes prêtres qu’en revenant des cendres
Leur messie va un jour de son ciel redescendre

J’espère seulement que quand ce jour viendra 
Il aura le courage de descendre assez bas
Pour attraper les bêtes que nous sommes devenues
Et nous mettre au chaud sous l’arche de ses bras nus




Caché parmi les fruits je traverse la Manche
Par un pluvieux dimanche tout au bout de la nuit
Un kurde m’a remis à un camion de France
Plein de mon espérance et de tas de kiwis

Secoué par les rails sous le poids de la terre
Et sous le poids des flots au dessus de ma tête
Je rampe comme un ver pour gagner l’Angleterre
Étouffant mes sanglots blotti dans ma cachette

Je ne vis presque rien quand en ouvrant la soute
Le soleil me revint pour éclairer ma route
Londres n’est plus très loin et j’ai dans une poche
L’adresse du destin dont chaque pas me rapproche

A trop me rapprocher j’ai fini par tomber
Sur une porte rouge à l’adresse indiquée
Mon voyage fini tout à coup je ne sais
Quel grand coup de folie ici m’a ramené

Mon étoile est si proche que sa chaleur enivre
Mon visage si moche d’avoir trop survécu
Il n’y a rien que j’espère car je n’ai rien perdu
Paradis ou enfer l’important c’est de vivre


Aristophane