A l’échelle de la pièce est omniprésente l’UST « Qui tourne », et qui finit par devenir de l’« Obsessionnel », mais plusieurs autres Unités Sémiotiques Temporelles y sont enchâssées. Le commissaire priseur, qui module sa litanie d’enchères de plus en plus vite, est John Korrey, dont j’ai trouvé l’enregistrement d’une vente aux Etats-Unis sur le site de l’Encyclopédie de la parole (« Nine seventy-five », extrait du DVD Chant of a Champion 2007) ; par mixage avec les prises de son d’une balle (ou d’une clémentine) tournant dans un récipient, il prend des allures de derviche tourneur, qui nous ferait passer avec lui du vertige physique au flottement spirituel — c’est alors que les pièces de monnaie se mettent à résonner de façon onirique. Après ce calme vertige de l’esprit, la danse endiablée de l’argent reprend de plus belle pour aboutir au crash boursier…

Le derviche priseur (janvier 2023)

Sur le Vieux Port de Marseille, un marché bigarré de plusieurs langues (la tour de Babel ?) semble être dans la continuité du réel… Mais les paroles seront emportées par le vent (le mistral ?) au moyen du micromontage des bribes de conversation avec du bruit blanc, dans une grande agitation ; puis, ces voix venues du monde entier finiront englouties sous une trame tonique, très calme en apparence, mais inquiétante par les craquements des bateaux et le chant des sirènes. Articulant ces deux parties opposées dans leur tempo, le cri perçant des goélands annonce peut-être la fin d’un monde…

Les cris du monde (juin 2021)

Le cocon est tissé avec trois fils de couleur (grave, médium, aigu) ; au fur et à mesure que la chenille opère dedans sa nymphose, il évolue vers le haut du spectre et son allure s’accélère jusqu’à l’éjection de son occupant. C’est une chrysalide bionique car j’ai utilisé mon synthétiseur modulaire pour évoquer la bestiole qui se transforme ; de plus, je suis partie de l’idée d’un tissage mécanique pour construire le drone qui était mon objectif premier, puis d’un cocon protecteur qui bercerait et accompagnerait la métamorphose de ce drôle d’insecte.

La chrysalide bionique (novembre 2023)

Le phénomène que Lorenz a baptisé « l’effet papillon » énonce qu’une toute petite modification des conditions initiales de l’atmosphère (à cause, entre autres, du délicat battement d’ailes d’un papillon) peut entraîner, après un court laps de temps et très loin de l’élément causal, des conséquences énormes (un ouragan, par exemple). D’où le titre de sa conférence de 1973 : « Le battement des ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer un ouragan au Texas ? ».  
En 1974, une méthode d'évaluation subjective de l'intensité des cyclones tropicaux est développée par Vernon Dvořák. 
 Issu de sa « chrysalide bionique », notre papillon s’envole pour un long voyage (ellipse), au cours duquel il fortifie ses battements d’ailes, jusqu’en Amérique du Sud ; par mimétisme, il se musicalise dans la forêt tropicale, où survient un orage ; trempé dans une cacophonie de synthé modulaire, notre papillon-orchestre, dissonant au début, s’inspire ensuite d’Antonín Dvořák (le scherzo de la Symphonie n°9, dite « Du Nouveau Monde ») lorsqu’il survole un marché au Brésil et provoque un ouragan au Texas.

L'effet papillon-orchestre (janvier 2024)

La chenille sort de l’œuf ; puis elle va croître grâce à deux activités essentielles : se nourrir et muer. Elle va changer de peau trois fois au fur et à mesure de sa croissance ébouriffante, à défaut d'être ébouriffée ; à force de croquer des feuilles, elle grandit, grossit, et doit s’extirper de son ancienne peau devenue trop étroite. Avant le stade de chrysalide, elle s’accroche à une branche par un fil de soie et se momifie.

La chenille ébouriffante (mai 2024) 6'28

La Montre Molle (2024) 1'15''

En trois parties, cette pièce raconte la croissance de « la chenille ébouriffante » qui, une fois sortie de l’œuf, ne fait que se nourrir, grandir et muer, en s’extirpant de sa peau devenue trop étroite, avant de s’accrocher à une branche par un fil de soie pour se momifier ; dans son cocon, la belle endormie va s’animer progressivement jusqu’à quitter « la chrysalide bionique », après nymphose, sous la forme d’un papillon ; après un long voyage depuis l’Amérique du Nord (ellipse), l’insecte arrive dans la forêt amazonienne où éclate un orage ; trempé dans une cacophonie de synthé modulaire, ce drôle de papillon se musicalise lorsqu’il survole un marché au Brésil et provoque un ouragan au Texas (rodéo), d’où « l’effet papillon-orchestre », inspiré de la célèbre conférence de Lorenz (1973) : « Le battement des ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer un ouragan au Texas ? »


Un drôle de papillon (2025) 17’23’’

Entre douceur et violence, entre jeu sportif et conflit armé, entre intérieur mental, confus, angoissé, et espace extérieur, bruyant, agressif, cette pièce, inspirée par la guerre en Ukraine (2022), joue sur l’ambiguïté des impacts d’origines diverses : gants de boxe, ballon de basket, skate, armes de guerre, etc.
Comment une guerre lointaine impacte-t-elle notre ressenti quotidien ?

compositeur27

Popular tracks