Journal de bord d’Étienne Duval, commandant de l'Héritage.

10 Ans dans l'Espace

Chapitre I : Quitter la Terre

a) Un Dernier Regard sur Kourou
Journal de bord, jour 1, 12h30 
Je m'appelle Étienne Duval. Je suis le commandant de l'expédition Arpenteur, composée d'Ellis Novemberg, pilote allemand et ami de longue date, Claire Icranos, opératrice des communications, Ito Atanaka, navigateur, Francis Delacarne, notre spécialiste mécanicien et Abou N'dake qui est chargé du rationnement. Le but de cette mission est d'envoyer des êtres humains aux confins du système solaire. Le décollage du vaisseau l'Héritage est prévu pour 14h30, heure locale. 
Selon les astrophysiciens du CSG, ce serait le créneau optimal pour atteindre l'orbite lunaire en six heures environ. Je me suis permis de sortir de la station, prendre l'air et apprécier le paysage des plages de Kourou. Il me faut mémoriser chaque élément du décor, il est possible que je ne puisse plus jamais les revoir. 

b) CSG
Journal de bord, jour 1, 13h15
Le Centre Spatial Guyanais m'évoque une immense dédale de fils, câbles, écrans et autres claviers de contrôle, fusionnés à cet interminable circuit informatique qui se déroule le long des murs. Tout le monde s'active pour que les coordonnées de navigation soient parfaites. Le reste de l'équipage n'est pas encore présent. L'impatience se fait sentir, elle transpire sur les murs. 

c) Préparer l'Héritage
Journal de bord, jour 1, 13h40
L'Héritage ressemble à un énorme monstre. Impossible d'y reconnaître les formes d'une fusée tant sa coque est enfouie sous des couches d'éléments externes détachables. Abou s'énerve contre des agents du CSG. Il essaye de leur faire comprendre que les sections greffées à la navette contenant les réserves de nourriture ne sont pas sensées être détachables. Des dizaines de mains s'activent à faire ronronner l'Héritage, qui produit le son d'un énorme bœuf mécanique au repos. Je ne sais pas si je dois être excité de partir ou apeuré de me jeter dans le vide intersidéral. 

d) Décollage
Journal de bord, jour 1, 14h30
Nous voilà tous réunis dans le cockpit, cet équipage d'inconnus, ces représentants de la race humaine qui ont la lourde tâche d'aller au bout du système solaire, voire au-delà. 
L'Héritage possède une poussée hors du commun. Le simple allumage des moteurs stationnaires nous colle déjà à nos sièges. Je m'y ferais jamais d'être bloqué à l'horizontal comme ça. Espérons que le moteur EM-Drive ne fasse pas des siennes, j'ai demandé à Ellis d'enclencher le processus et à Claire de transmettre à Kourou notre départ de l'orbite terrestre, qui devrait être imminent. Ito nous fait signe que les coordonnées d'arrivée sont calibrées. 
Nous nous regardons avec une vieille complicité, et nous allumons la propulsion atomique avec Ellis. La mission Arpenteur est officiellement lancée. 
Que le Cosmos nous garde.

Chapitre I : Quitter la Terre

Première Transition : Terre - Lune

Journal de bord, jour 1, 18h00. 
Le voyage vers la Lune s'est passé sans encombres. Après une légère hésitation de l'équipage suite aux bruits étranges générés par le moteur, le calme et la confiance étaient lisibles sur les visages de chacun. Nous avons donc tous décidé d'observer en silence la superbe lumière de notre planète, pendant qu'Ito continuait ses calculs. Tout semble aller pour le mieux, une sorte de cohésion d'équipe se met doucement en place. Je suis confiant pour l'avenir de cette mission.

Première Transition : Terre - Lune

Chapitre II : Lune

a) Face Visible
Journal de bord, jour 3, 22h26. 
Notre alunissage a été assez complexe, vu qu'Ito, trop absorbé par ses calculs, avait oublié de transmettre les coordonnées finales à Ellis. Mon ami s'est quelque peu énervé, argumentant que de tels soucis de communication ne devraient pas exister entre des personnes qui vont passer plus de huit ans dans l'espace. J'ai dû jouer les médiateurs car personne n'a voulu intervenir, surtout pas ce bourru de Francis qui semble aussi borné que n'importe quel Corse. La Lune est toujours aussi calme, d'une beauté solitaire. Nous avons des kilomètres à faire pour rejoindre le dôme du Mont Bradley, et ni Francis ni Abou ne semblent vouloir nous accompagner. C'est donc en formation restreinte que nous avons pris place dans le buggy. Nous devons prendre contact avec les astronautes du dôme pour récupérer notre pile nucléaire. 

b) Face Cachée 
Journal de bord, jour 4, 5h25. 
Nous voilà enfin arrivés. Ito s'est perdu dans la lecture d'une carte holographique lunaire, ce qui n'arrange pas l’agacement croissant d'Ellis. Je ne me doutais pas que le dôme se trouvait sur la face cachée. Son système d'éclairage est impressionnant, vu l'ombre constante dans laquelle il est plongé. Le gouverneur de la station, un certain John Shapehead, est un homme gigantesque aux mains disproportionnées. Avec un sourire triste, il m'a expliqué que je n'avais aucune raison de m'en faire, que notre pile nous attendait et qu'il avait même déjà envoyé un transporteur à l'Héritage. Les portes-parole de l'ONU, lors du briefing sur Terre, m'avaient assuré que notre voyage serait jonché d'aides ponctuelles comme celle-ci. A voir les traits fatigués de Shapehead, je me demande s'il a vraiment eu le choix de nous fournir le précieux carburant...

Chapitre II : Lune

Seconde transition : Lune - Mars

Journal de bord, jour 7, 10h20. 
Redécoller de la Lune n'a pas été une partie de plaisir. Après avoir remercié l'agent de la station pour avoir livré la pile, Francis s'est mis dans la tête que la meilleure manière de repartir était de fêter le succès de notre première étape à grands renforts de charcuterie et de vin artisanal de son pays. Ne me demandez pas comment il a pu embarquer tout ça dans le vaisseau, je n'en ai aucune idée. De fait, ni Claire ni Ellis n'ont été capables de remplir leurs tâches, bien éméchés qu'ils étaient suite à cet apéro surprise. Il nous a bien fallu deux jours pour que le vin cesse son effet en apesanteur allégée, et cela ne fait que quelques heures que nous sommes partis. Notre prochain arrêt, Mars, planète en guerre depuis des décennies, risque d'être moins divertissant.

Seconde Transition : Lune - Mars

Chapitre III : Mars

a) Amarsissage 
Journal de bord, jour 78, 9h28.
Cette immense planète rouge, aride, froide et dont la terraformation échoue depuis plus de cinquante ans, je n'ai aucune envie d'y être. Mais les représentants de l'ONU m'ont expressément demandé d'analyser la situation martienne, à savoir si les deux factions qui se font la guerre depuis une vingtaine d'années sont en passe de trouver un accord pacifique. Nous voilà donc partis à quatre, Claire et Ellis préférant rester à bord. Notre buggy se dirige vers New Chicago, où nous devons rencontrer le président des Confédérés, sir Erwan McAnnif, en vue de lui proposer un accord de paix avec les Islamistes Libres d'Ibraham El'Mezaoui, qui continuent de faire front depuis Médina. En quoi un commandant spatial doit-il jouer le rôle d'un médiateur politique ?

b) New Chicago
Journal de bord, jour 83, 19h50. 
McAnnif n'a rien voulu entendre. Il m'a servi le discours habituel des irlandais exilés sur Mars : ce sont ses terres, aussi arides et dures à travailler que les steppes de son pays natal, aussi imposantes et implacables que les géants des légendes. Quelle bande d'illuminés ! L'ONU ayant bien précisé qu'il nous faudra être insistants envers les Confédérés, j'ai donc insisté. La réponse a été aussi cinglante que les vents martiens : directement en prison, sans pourparlers, sans jugement, sans rien. 
Ils ont quand même eu la décence de me laisser mon carnet. Je ne sais pas combien de temps nous allons pouvoir supporter cette situation. Cette prison combine à elle seule toute la crasse de l'univers. Ici, tout le monde se bat, s'insulte, s'intimide ou se drogue. Abou est en train d'étudier les insectes qui courent sur les murs, cherchant à savoir si certains sont comestibles. 

c) Fugitifs
Journal de bord, jour 97, 16h10. 
Aussi improbable que cela puisse paraître, Ellis a trouvé la force de venir nous libérer de cette infâme prison. Sans trop réfléchir, il a enfoncé le mur de notre cellule à coups de rétro-fusées. 
Nous avons pris la fuite, poursuivis par une phalange de Confédérés hors d'eux. Plus qu'une chose à faire maintenant, essayer notre proposition pacifique auprès des Islamistes Libres. Tout le monde me dévisage avec dégoût. Je leur explique que nous n'avons pas le choix. Ou nous risquons encore la prison, voire l'exécution, ou nous nous retrouvons à la dérive dans l'espace car l'ONU nous coupera l'apport de carburant une fois arrivés à Calliope. Tout le monde acquiesce en silence.

d) Guerre et Destruction
Journal de bord, jour 99, 13h28. 
A la frontière des territoires, les deux factions se livrent une guerre incessante. Nous avons tenté de joindre Ibraham El'Mezaoui, sans succès. Leur arrière-ligne est totalement coupée par l'interminable amoncellement de corps et de buggys en pièces. Il n'y a rien de plus horrible que ce spectacle morbide. Nous n'avons pas vraiment eu le temps de digérer cette vision : les Confédérés qui nous poursuivaient depuis New Chicago ont fait feu sur l'Héritage. 
Nous profitons d'une riposte des Islamistes Libres pour nous échapper de cette planète maudite. 
Au diable cette mission suicide, au diable l'ONU ! Je ne serais pas le commandant d'une escouade punitive alors que notre objectif est bien plus noble. J'ai demandé à Claire de couper les communications avec Kourou. Nous voilà seuls mais au moins personne ne pourra stopper nos moteurs à distance. J'ai confiance en la capacité des membres de l'Héritage pour mener notre tâche à bien. Il ne nous reste plus qu'à traverser la Ceinture d'astéroïdes en un seul morceau.

Chapitre III : Mars

Troisième transition : Mars - Ceinture

Journal de bord, jour 105, 9h00.
Nous sommes en route pour la station de Calliope. Nous n'avons aucune certitude quant au fait que le gouverneur de la station, un certain Elliot Hernab, sera d'accord pour nous fournir la pile nécessaire à la suite du voyage. J'ai décidé de prendre le risque, malgré les protestations d'Ellis, d'Ito et de Francis concernant la trajectoire inconnue et les faiblesses structurelles de l'Héritage. Claire est dans l'incapacité d'envoyer un message suite à ma décision de couper les communications. Tout repose sur mes épaules, et je ne sais quoi faire.

Troisième Transition : Mars - Ceinture

Chapitre IV : Ceinture

a) Panne
Journal de bord, jour 117, 15h27.
Francis s'arrache le peu de cheveux qu'il lui reste, jurant sur ses ancêtres que tout ce merdier n'existerait pas sans mes décisions débiles. Je me suis fait insulter de tous les noms avant de savoir la nature du problème : la pile s'est vidée bien plus vite que prévu, il ne nous reste qu'une dizaine d'heures en propulsion EM avant de devoir manœuvrer avec les rétro-propulseurs d’appoint, ce qu'Ellis définit comme une hérésie totale. La tension est palpable. Seule Claire est restée avec moi dans le cockpit, le reste de l'équipage semble comploter dans les couloirs de l'Héritage. J'espère que Hernab pourra nous sortir de là, sinon c'est la mutinerie assurée. 

b) Incident
Journal de bord, jour 122, 18h22. 
Un incident indéterminé s'est produit il y a vingt minutes. La violence du choc a fait voler en éclats tout l'arrière de la navette, détruisant au passage nos réserves de nourriture. Abou pleure continuellement, assurant que nous sommes tous morts. Claire tente de reprendre contact avec la station de Calliope, en vain. Ito a le regard perdu dans le vide. Le tableau de bord scintille dangereusement. Ellis et moi-même pilotons à l'aveugle. Tout repose sur Francis, qui cherche à colmater les brèches de la coque avec de la colle-ciment instantanée. Il communique via le réseau interne ses avancées, apparemment nous sommes en sécurité tant que nous ne quittons pas le nez du vaisseau. Si l'on m'avait dit qu'un jour ma survie dépendrait d'un Corse...

c) Mesures de Sécurité    
Journal de bord, jour 127, 8h30. 
Diagnostic interne : un réservoir d'oxygène a explosé. Heureusement, l'EM-Drive n'a pas été touché. Ito propose d'utiliser la catapulte gravitationnelle de Calliope pour nous expédier vers Jupiter. Hernab ne nous a pas répondu, l'ONU doit sûrement y être pour quelque chose. Francis et Abou sont catégoriques : la seule manière de mener cette mission à terme, c'est de se débarrasser d'uns des membres de l'équipage. Nous gagnerons ainsi en oxygène et en rations, et le temps récupéré nous permettra d'arriver sur Junon. Je suis certes le commandant, mais en aucun cas je ne déciderais de qui doit mourir. Je ne fais pas dans la dictature. Abou s'est mis à découper méthodiquement une seule spaghetti pour que nous puissions tirer la courte paille. L'ironie cosmique s'est exprimée : Abou a été choisi. Nous avons tous regardé son corps dériver dans l'espace, avec ce sourire énigmatique de l'homme qui aimera toujours la vie. 
Que le Cosmos nous garde.

Chapitre IV : Ceinture

Quatrième transition : Dérive

Journal de bord, jour 492, 22h06.
Francis me reproche d'avoir ignoré les ordres et la mort d'Abou. Il peut bien me reprocher tous les maux de l'espace, que faire ? Mes décisions nous ont menées ici, à la dérive dans ce vide infini, à décompter chaque paquet lyophilisé et chaque inspiration. Francis s'est équipé d'une combinaison. Ito s'est accaparé le tableau de bord, communiquant le pourcentage de chaque impulsion des rétro-propulseurs à Ellis. Tous sont dans l'attente d'une mort certaine. 
Nous remettons officiellement nos vies dans les mains des Joviens et du Cosmos. 
Nous abandonnons officiellement notre mission.

Quatrième Transition : Dérive

Chapitre V : Jupiter

a) Attraction
Journal de bord, jour 857, 17h57.
Ito est formel : la catapulte de Calliope et l'immense masse de Jupiter nous ont sauvé de la dérive. Selon ses calculs, il nous faudrait environ cinq jours pour être détectables par Junon, la station de Ganymède. Claire et Ito sont convaincus que les Joviens nous viendront en aide. Ils ont réussi à persuader Francis que l'Héritage peut tenir le coup. Ellis manœuvre le vaisseau à la micro-propulsion près pour le diriger vers Junon. 
A vrai dire, ou les Joviens nous accueillent, ou nous ne sommes plus que poussières d'étoiles. 

b) Attente 
Journal de bord, jour 860, 9h05.
L'Héritage a été pris dans un rayon gravitationnel de Junon. Notre balise semble avoir été perçue par la station de Ganymède. D'ici une heure nous allons être reçus par l'atypique Gnéon Lénoard, leader auto-proclamé des Joviens. L'ONU m'imposait d'en faire un prisonnier politique, tant ses discours prônant l''émancipation de Jupiter gêne le conglomérat Terre-Mars. Je n'en ferais rien, notre survie dépend de lui, et nous avons officiellement abandonné notre mission. 

c) Pilules 
Journal de bord, jour 868, 18h42.
Les Joviens sont à l'opposée de l'image médiatique qu'on leur donne. Ils sont sérieux, travailleurs et solidaires, bien loin de la caricature d'esclaves déprimés diffusée sur Terre et Mars. Ils consomment en masse des petites pilules noires dont les effets sont radicaux. Francis et Ellis ont décidé de les tester. Cela fait bien trois heures qu'ils gribouillent sur les murs de la station des messages illisibles à l'aide de feutres fluo et qu'ils embrassent n'importe qui. Je peux bien les laisser se relaxer après cette longue traversée du désert que nous venons de subir...

d) Le Présent
Journal de bord, jour 870, 21h15.
Lorsque j'ai raconté notre périple à Lénoard, ses yeux étincelaient. Il m'a considéré comme son égal, ce couillu commandant français qui envoie paître les huiles de l'ONU. Mais c'est seulement lorsque j'ai abordé la vraie raison de notre mission qu'il s'est rembruni, se rendant compte du sérieux de notre tâche. Il nous a alors fourni tout le nécessaire pour nous mener à destination : piles nucléaires prototypes, processeurs atmosphériques, modules débordant de rations, réparation et révision intégrales du vaisseau et même une mise à disposition de leur cartographie du système solaire. Gnéon a coupé court à mes remerciements, nous pressant de quitter la station car une patrouille martienne venait de signaler son arrivée dans l'orbite de Junon.

Chapitre V : Jupiter

Cinquième Transition : Jupiter - Saturne

Journal de bord, jour 877, 13h02.
Malgré la promiscuité, l'équipage semble avoir regagné foi en l'avenir de l'Héritage. 
L'offre d'une immense générosité de Gnéon Lénoard nous permet d'appréhender la suite des événements d'un nouvel œil, sorte de lueur d'espoir au milieu du néant. Les piles prototypes ont doublé notre vitesse de croisière, au grand soulagement d'Ito et de Francis, tous deux rassurés par ces conditions optimales de navigation. 
Le Cosmos semble être en nous tout comme nous sommes en lui.

Cinquième Transition : Jupiter - Saturne

Chapitre VI : Saturne

a) Anneaux
Journal de bord, jour 1192, 9h24.
Notre arrivée dans l'orbite saturnienne nous a émerveillés. La beauté des anneaux est inimaginable. Ito et Claire jubilent, littéralement. Ils ont voulu faire le tour de la planète pour la photographier sous tous les angles. Cela nous a permis de vérifier si Janus, la station-port d'Encelade était bien abandonnée à son sort. En la survolant, Francis a repéré des piles oubliées sur certaines jetées du port. Nous avons décidé de les récupérer.  

b) En Vie
Journal de bord, jour 1198, 23h06. 
L'effet tonifiant de Saturne a dû déteindre sur nous. Tout l'équipage a regagné le sourire, notre but ne semble plus si lointain et inachevable, et la paranoïa ambiante a arrêté de se cristalliser sur moi. Le Cosmos semble nous guider tel un père bienveillant. Il est intéressant de noter que cette catharsis a fait oublier au reste de l'équipage le sacrifice d'Abou. Je n'effacerais jamais son sourire figé de ma mémoire. Sans lui, nous ne pourrions pas profiter de la beauté saturnienne...

c) Séparation
Journal de bord, jour 1201, 12h14.
L'ironie cosmique a voulu que Francis ferme le sas de l'arrière-partie de la navette, nous empêchant d'y accéder. Via le réseau interne, il a justifié son geste par son inquiétude grandissante envers notre santé mentale, à tous. De fait il s'est octroyé sans débat le droit de regard sur qui pourra accéder ou non à son espace de travail. De plus, toujours selon lui, nous ne pourrions pas comprendre l'importance de son rôle de maintenance et de surveillance du flux énergétique, qu'il a donc besoin d'un maximum de silence et de concentration. Les autres membres ont largement protesté, mais j'ai tranché en le laissant s'isoler. On ne peut pas raisonner avec un Corse.

Chapitre VI : Saturne

Sixième Transition : Saturne - Uranus

Journal de bord, jour 1579, 17h20.
L'ambiance au sein de l'Héritage a perdu de sa superbe, avec cette séparation imposée par Francis. Je comprends son besoin d'être seul pour garder sa concentration. Cette situation est d'ailleurs préférable car sans lui le vaisseau partirait en morceaux. L'isolement commence à peser sur l'équipage. Chacun contemple le vide avec une nostalgie visible.

Sixième Transition : Saturne - Uranus

Chapitre VII : Uranus

a) Arguments 
Journal de bord, jour 1957, 15h26.
Personne ne partage mes convictions concernant Francis. Je passe mon temps à expliquer qu'il ne s'agit pas d'un manque de cohésion, mais juste d'un léger contretemps. L'arrivée dans l'orbite d'Uranus n'a provoqué aucune réaction. Peut-être l'étrange inclinaison à 90° de la planète et ce bleu pâle influent sur la motivation générale. Ou bien le retranchement du Corse pose un sérieux problème d'entente générale. Je n'arrive pas à y voir clair au milieu de ces accrochages continus. 

b) Francis le Fou
Journal de bord, jour 1966, 11h10.
J'ai toujours su qu'il fallait se méfier des Corses. Les dirigeants de la mission Arpenteur m'avaient assuré que Francis Delacarne était l'un des mécaniciens les plus compétents sur Terre. Loin de moi l'envie de critiquer son talent, mais son incapacité à travailler en équipe nous place dans une situation complexe. Il a décidé que toute l'arrière-partie de l'Héritage lui revenait de droit, vu qu'il était le seul à l'entretenir. Il a transmis via le réseau interne un arrêté contracté par son unique délire nous interdisant totalement son accès. Sauf qu'on y trouve toutes les réserves de nourriture dont nous avons tous besoin pour survivre. Il est prêt à sacrifier l'équipage, la mission et même le vaisseau sur une impulsion d’ego ! Il ne nous a pas fallu longtemps pour nous accorder sur l'urgence de placer en confinement notre mécanicien. 

c) Confinement
Journal de bord, jour 1667, 13h04. 
Nous avons forcé le sas de l'arrière du vaisseau pour y trouver Francis et le placer en cellule. 
Bien entendu, il ne s'est pas laissé faire, et a éborgné Ito avec un de ses outils. Nous avons réussi à le maîtriser après de nombreux efforts, puis nous l'avons enfermé alors qu'il bouillait de rage. Nous n'avons pas eu le temps de débattre de son avenir qu'un voyant d'alarme s'était déclenché. Francis avait détruit le loquet de sa cellule à la seule force de ses poings et, tout en nous insultant au travers du réseau, avait ouvert un sas extérieur pour se jeter dans l'espace, sans plus d'explications. C'est le second membre de l'équipage a mourir sous mon commandement. 
Que le Cosmos nous garde.

Chapitre VII : Uranus

Chapitre IIX : Neptune

a) Espoirs
Journal de bord, jour 2447, 11h20.
Claire a révélé son génie dans le désespoir. Une fois l'Héritage stabilisé dans l'orbite de Neptune, elle a fait une sortie pour router un commutateur énergétique qui assurait l'apport de salles vides. L'idée était de lancer un message codé à ses amis du GTM Mexicain, en quête de nouvelles de nos familles respectives. Tout l'équipage, moi y compris, s'est raccroché à l'espoir d'une réponse à cette bouteille lancée dans l'abîme. Une sensation d'apaisement a parcouru le vaisseau, Ito a même esquissé un sourire. 

b) Autolyse
Journal de bord, jour 2452, 18h22.
Ellis Novemberg, mon bon ami, n'est plus. Nous avons reçu les réponses du GTM vers 10h00, une courte vidéo où un astrophysicien expliquait la situation de chacune de nos familles. Des larmes de joie et de déprime entremêlées couraient sur nos joues, jusqu'au tour d'Ellis. Le scientifique s'est tu pendant quelques instants, pour finir par lui annoncer que toute sa famille avait été déportée dans les camps de travail situés aux frontières polonaises. La raison officielle invoquée par les autorités russes était la sélection ethnique. Ensuite, tout s'est accéléré. Sans un mot, notre pilote a pris la direction du sas externe. J'ai tenté de l'en empêcher, mais il avait prévu le coup en verrouillant tous les accès. C'est le troisième membre de l'équipage qui meurt sous mon commandement. 
Que le Cosmos nous garde. 

c) Doutes
Journal de bord, jour 2455, 22h30. 
A quoi bon ? Nous ne sommes plus que trois, nous n'avons ni pilote, ni mécanicien, ni personne pour réguler notre consommation. Nous ne pouvons plus nous sortir de situations périlleuses, je n'ai pas ce doigté unique qu'avait mon ami. Nous ne pouvons plus réparer le vaisseau en cas d'un nouvel incident. Nous sommes condamnés à dériver jusqu'à disparaître. 

d) Agir
Journal de bord, jour 2463, 14h35. 
Claire a exprimé son désaccord. Nous voir dépérir sans réagir ne fait pas partie de ses attributs. 
De ses attributs humains, la précision était importante. Ito est sorti de sa léthargie et s'est remis à crayonner compulsivement sur les murs. L'opératrice a fini par me raisonner : nous n'avons plus le choix. Nous devons aller de l'avant. Nous l'avons mis dans la confidence : notre mission a pour but secret de trouver le trou de ver situé après Pluton et d'y plonger pour savoir ce qui s'y trouve. 
Les astrophysiciens de Kourou sont persuadés qu'il s'agit d'un accès à une autre galaxie. 
Le salut de l'humanité dépend de l'Héritage et de sa mission.

Chapitre VIII : Neptune

Septième Transition : Uranus - Neptune

Journal de bord, jour 2056, 19h00.
La perte de Francis m'affecte plus que je ne l'aurais cru. Je commence à ressentir le mal du pays que je partage avec Ellis et Claire, mes deux derniers compagnons dans cette folie. 
Ito a décidé de s'isoler à l'arrière, transformant les murs du vaisseau en un immense tableau de calcul. Il cherche à trouver la trajectoire optimale pour rejoindre le trou de ver apparu à une unité astronomique de Pluton, notre destination secrète. Il est le seul dans la confidence, je ne peux pas me permettre de laisser mon pilote et l'opératrice sombrer dans la panique.

Septième Transition : Uranus - Neptune

Huitième transition : Neptune - Pluton

Journal de bord, jour 2800, 7h52.
Tout tourne autour de Claire, qui s'active sans relâche. Elle ne semble pas se soucier que notre destination réelle risque bien de nous oblitérer sur place, ni non plus que cette mission n'a pas de but scientifique. Je me demande même si le but officieux ne lui aurait pas redonné un coup de fouet. Étrange mais forte femme...

Huitième Transition : Neptune - Pluton

Chapitre IX : Pluton

a) Planète Morte
Journal de bord, jour 3137, 13h30.
Nous observons à la longue-vue les reliefs de Pluton. Cette planète est aussi belle que la mort elle-même. Son apparence blessée d'un rouge cendreux rayonne dans le cockpit, nous hypnotisant totalement. Son sonar atmosphérique produit un son sobre et continu. Personne ne fait aucun commentaire, personne n'a plus aucun commentaire à faire sur quoi que ce soit. 

b) Claire la Folle
Journal de bord, jour 3140, 6h35. 
J'ai été tiré du lit par une Claire méconnaissable. Ses cheveux habituellement attachés flottaient en apesanteur, lui dessinant un visage de méduse hallucinée. Elle balbutiait des mots incohérents en agitant les bras devant mes yeux mi-clos. Elle assure que nous venons de dépasser la ligne de retransmission, donc qu'aucun message ne peut être envoyé ou reçu. L'argument de notre indépendance envers l'ONU n'a eu aucun effet face à sa panique. Je lui ai administré un calmant et l'ai allongée sur sa couchette. Je ne supporterais pas de la perdre. 

c) Trouvaille
Journal de bord, jour 3149, 16h00.
Ito a fini par trouver une astuce digne d'un surdoué de l'astrophysique pour nous placer sur la trajectoire du trou de ver. Je n'ai strictement rien compris à son jargon technique, mais il était totalement possédé par le résultat de son équation sur Charon. Après quelques heures à trifouiller le tableau de bord, il a réaligné le nez de l'Héritage pour le pointer vers notre destination. Je serais toujours abasourdi par l'impressionnante capacité cognitive que peuvent développer des personnes désespérées. Le Japonais vient de me prouver que le chemin que l'on trace prend parfois des directions imprévues, et que le Cosmos est régi par des lois que l'humanité ne peut conceptualiser. Nous voilà donc en route pour l'inconnu.

Chapitre IX : Pluton

Neuvième Transition : Vers l'Inconnu

Journal de bord, jour 3224, 22h34. 
Nous y voilà, la fin de l'odyssée. Je pourrais reconsidérer les mauvaises décisions que j'ai pu prendre, cela ne changerait rien. Nous sommes prêts à nous plonger dans l'incertain. Les ordres de mission ont été oubliés avec Abou, Francis, Ellis... Nous ne cherchons plus à sauver l'humanité, juste à nous sauver nous-mêmes. Ito a calculé que les restes d'énergie nous permettront d'aller jusqu'au trou de ver, mais pas d'en revenir. 
Que le Cosmos nous garde.

Neuvième Transition : Vers l'Inconnu

Chapitre X : Trou de Ver

a) Approche
Journal de bord, jour 3299, heure inconnue. 
L'approche du trou de ver dérègle tous les compteurs. L’incommensurable attraction de cet imposant phénomène m'empêche de garder le contrôle du vaisseau. L'Héritage réagit comme une feuille prise au vent, instable et incontrôlable mais filant droit vers sa destination. Ito et Claire se sont harnachés à leurs sièges. D'un réflexe, j'envoie l'Héritage droit dans ce tourbillon quantique. Lorsque je ferme les yeux, les plages de Kourou m'apparaissent. Puis tout se déforme. 

b) Altération
Journal de bord, jour inconnu, heure inconnue. 
Il m'est très complexe d'écrire. Mon carnet s'est détaché en plusieurs petites pages qui se sont imbriquées dans mon bras droit, sur les murs du cockpit, dans l'air, dans les cheveux de Claire,... Claire et Ito n'ont plus forme humaine. Je n'ai aucune notion de comment ils peuvent me percevoir. L'espace n'est plus plat et noir mais il oscille entre des rectangles variables et une sphère réfléchissante. L'apesanteur semble avoir disparue mais le vaisseau continue pourtant d'avancer. 
De nombreux bruits indéfinissables s'expriment sans retenue. Impossible de savoir notre point de chute, le tableau de bord fournissant des informations inconcevables. 
Que le Cosmos nous garde. 

c) Nouveaux Horizons
Journal de bord, jour inconnu, heure inconnue. 
Nous sommes ressortis de la traversée indemnes. Les voix du Cosmos sont impénétrables. 
Claire et Ito ont l'air aussi abasourdis que moi. Aucun de nous trois n'arrive à y croire. 
Nous sommes pourtant en vie. L'Héritage a tenu le coup et n'a pas implosé sous l'effet de la distorsion. Ito nous situe à des parsecs de Pluton. Selon ses calculs, nous serions hors du Système Solaire. L'ordinateur de bord s'est relancé, nouveau miracle cosmique. Il nous signale un autre trou de ver à quelques parsecs. Notre navigateur considère que celui-ci nous mènerait à Centaurus. 
Nous n'avons plus aucun compte à rendre à l'ONU, nous n'avons plus rien à perdre. 
Nous mettons cap vers Centaurus.

Chapitre X : Trou de Ver

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28/10 : Mues @ Egregore Radio
23/11 : SeekSickSound show w/ Sun People @ Rinse FR
23/12 : Mues @ Egregore Radio
17/02/26 : Mues @ Egregore Radio
14/04/26 : Mues @ Egregore Radio
9/06/26 : Mues @ Egregore Radio

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As a DJ, Drazel has been playing drum'n'bass, techno, dubstep and bass music flavors in clubs and free partys alongside artists such as DBridge, Ulterior Motive, Total Science, Skeptical, Pinch, Trevino (aka Marcus Intalex), J:Kenzo, DLR, Breakage, Stray, Fracture, Joe Nice, Zadig, 69db, Indigo, Biome, Elisa do Brasil, State of Mind, Von D, Deft, SP:MC, The Prototypes, Skitty, Naibu, Bredren, Pixel Fist, BRK, Tantrum Desire, HXB...

Manager of the Tooblox Records digital pole 
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