Les sons que voici ont été imaginés comme une extension au colloque « portrait de Pays, textes, images, sons » organisé par Sophie LÉCOLE SOLNYCHKINE, David MARTENS et Jean-Pierre MONTIER. Il s’est tenu au château de Cerisy du 3 au 10 juillet 2019. J’y ai baladé mes micros à l’affût de ce qui pourrait faire portrait : ambiances du dedans, ambiance du dehors, bruits quotidiens, bruits insolites, voix qui passent, voix qui s’invitent en somme de ces sons qui font la vie de château.

Prise de son & montage : Joachim Glaude
Mixage : Jonathan Vanneste
Visuel : Youmna Zanna

License : SCAM

Vies de château

C'était à Arles, c'était pendant l'été 2014. C'était un stage autour du field recording avec Gilles Aubry organisé par Phonurgia Nova. Je n'ai pas réussi à la fermer. Arles, ville musée? Où on pose des questions qui demeurent sans réponse. Où on inverse, un peu, les rôles.

Ma très chère Arles

C’était au Sénégal en février 2016, je prenais le son pour un film documentaire. Une après-midi que l’équipe était partie se détendre, je suis resté à l’appartement.  Binta venait y faire le ménage tous les deux ou trois jours. Nous avons parlé de choses et d’autres, sa situation à Dakar principalement. Elle a accepté que je l’enregistre, je lui ai demandé de me parler de sa maman, elle m’a surtout parlé de son papa. Ceci est le portrait de Binta.

Binta, portrait d'une femme de ménage

Tout est parti d'un texte écrit un peu comme un manifeste. Puis il y a eu  l'envie de mettre ce texte dans deux voix, puis de mettre ces deux voix dans un pièce, puis d'enregistrer tout ça pour mettre la pièce dans vos oreilles.
Réalisé dans le cadre de l'atelier "Extended Interview" par Alessandro Bosetti et Phonurgia Nova. Enregistré à Arles dans la salle Patrat, juillet 2016. Avec la voix de Sarah Lecarpentier.

Il y a deux voix dans une pièce

Au commencement : le tourne-disques du salon. Un de ces grands appareils fait d'un peu de bois, mais surtout de beaucoup de plastique, un objet qui tient autant du meuble que de la sono. Moi, je n'avais qu'un combiné radio / K7, comme ces ghetto-blaster qu'on voyait dans les clips mais en plus petit. Par un orifice qui lui servait d'oreille, il pouvait enregistrer. J'ai vite compris que pour écouter les disques où je le voulais et quand je le voulais, il me faudrait les copier sur des K7's. C'est ce que j'ai fait. Plaçant mon appareil et le tourne-disques en vis-à-vis, j'enregistrais par l'oreille du premier les musiques qui sortaient par le haut-parleur du second. Une fois pressée la touche REC, je sortais de la pièce sur la pointe des pieds. Le soir dans l'intimité de ma chambre, sous un casque, j'écoutais enfin mes enregistrements. Mais malgré mes précautions, s'y étaient invités une multitudes de sons parasites ; des pas ou des voix qui avaient résonné à travers les murs, une porte qui avait claqué à l'étage, une tuyauterie qui avait gémi, une auto qui avait vrombi dans la rue ... et tous ces sons étaient inscrits dans une temporalité qui excédait celle des musiques. L'écoulement de ce temps continu qui était le temps réel de mes transcodages machine à machine me semblait curieusement plus présent et plus réel que celui des musiques. Je ne me rappelle pas particulièrement les disques, ils n'avaient probablement pas grand intérêt, en revanche j'ai un souvenir assez net de l'acoustique du salon dans lequel j'effectuais ces transcodages. Elle avait coloré les musiques de son propre écho, de sa propre voix. La musique inscrite sur mes K7's m'avait dit "je ne suis pas seulement ce qu'on dit que je suis".

Joachim Glaude

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