Chiffres, concepts, généralités, théories et discours. Autant d’outils sont utilisés pour décrypter, analyser, comprendre et débattre sur l’immigration. Mais quel est le sentiment final que nous tirons de tout cela ? Pour ma part, incompréhension, indignation et impuissance. En somme, notre rapport à ces hommes et ces femmes semble déconnecté, comme si nous étions dans deux réalités séparées sans lien reliant ces deux mondes. Bien qu’« ils et elles » soient au cœur de l’attention médiatique, ils restent comme absents, bloqués dans une altérité étrangère. En effet, il semble que des constructions sociales séparent les individus, des barrières qui rendent cette fausse altérité incompréhensible.         Dans un contexte de sélection, avec le récent rétablissement des quotas sur l’immigration, ceux et celles considéré-es comme acceptables aux yeux de la société française sont ceux et celles qui répondent désormais à une demande marchande.1Que penser de cette évolution ? En partant un mois en Sicile, j’ai eu l’occasion de mettre derrière cette masse grouillante - des voix, des visages - derrière ces concepts - une réalité concrète- et derrière les chiffres des vies. Il ne s’agit pas d’établir des constantes, il suffit parfois d’écouter ces voix qui se lèvent, l’écho des révoltes, le bruit des solutions grandissantes, pour entrevoir que dans tous les champs du monde poussent des consciences insoumises. Assurément, cette réalité est complexe, contradictoire et en constante évolution, c’est pour cette raison précisément qu’on ne peut brosser un portrait unique et immuable, et là n’est pas mon attention. Si je suis partie un mois en Sicile, région symbolique sur ce thème, ce fut pour comprendre ou essayer de le faire, pour parler, échanger et découvrir. Entre la ville de Palerme et le village de Sutera, ce fut une réalité plurielle, abrupte et belle, toujours sincère dont ceux et celles qui la vivent chaque jour m’en firent l’ébauche. C’est ce monde-là, une réalité subjective confiée à travers des mots, lacunaires et authentiques, que je souhaite partager. Et, à défaut d’offrir une solution capable de résoudre ce nœud, voici, je l’espère, au moins un aperçu.

Marie Colin