Comment est née l’idée de cette série audio ?
Alors que je m’apprête à me rendre au Liban, je me questionne sur mon lien à ces populations en souffrance. Pourquoi partager cette souffrance alors que je suis issu d’un pays sans guerre actuelle ? Cette question m’a ouvert l’esprit sur la mémoire des conflits à l’aune de cette nouvelle séquence mortifère entre Israël et la Palestine.

Je comprends que ce sujet m’est personnel car je suis aussi le produit de cette mémoire des conflits. J’ai aussi le sentiment profond que les mémoires conflictuelles que je vais capter audiographiquement ont une continuité historique car les méthodes de déportation, d’oppression, de discrimination, d’humiliation, de souffrance ont une même genèse, la bataille des puissances dominantes qui par leurs confrontations sacrifient les peuples qui ont le malheur d’être à la frontière de leurs empires.

Quelles sont les différentes voix que l’on peut entendre dans cette série qui commence au Liban ?
Les voix que vous allez entendre ont une mémoire des conflits, représentatifs de plusieurs générations de populations vivant au Liban. Arméniens, Palestiniens, Algériens, Chrétiens, Sunnites, Chiites.

Mon ambition est de faire parler ces mémoires en résonance car en définitive lorsqu’un peuple fait face à un conflit, il cherche un ailleurs pour se protéger. Cette évidence est aujourd’hui annihilée par les puissances oppressives qui effacent des consciences les génocides qu’ils ont eux même engendrés en ce sens ou ce sont les gagnants qui écrivent l’histoire des opprimés. Mon terrain de recherche consiste donc à puiser dans ces mémoires des éléments sensibles au service de la connaissance humaine.

Dans ce cadre méthodologique de restitution du sensible et de la réactivation de la mémoire des conflits; le Congolais peut se lier aux Chiliens, la Chilienne à l’Algérienne comme une permanence dans la souffrance des populations sous occupation. Il convient cependant de faire une mise à jour des armes d’oppressions car un nouvel élément modifie à la fois l’altérité des souffrances endurées et leurs visibilités, je parle ici de la force propagatrice d’internet et des réseaux sociaux.

De fait, ce partage de mémoire des conflits se globalise et s’internationalise et crée des mobilisations transfrontalières. Je compte ainsi poursuivre ce travail de recherche en allant à la rencontre d’autres mémoires et d’autres conflits qui résonnent aujourd’hui.

Découvrir le teaser de cette série audio.
Référence musicale / Osloob feat Gaafar touffar - Hid Ean Aljaysh

Au Liban, la mémoire des conflits réactivée à l’aune de la guerre israëlo-palestinienne - Teaser

La guerre des uns, l’exil des autres !
Episode #1 de la série documentaire audio de Justin de Gonzague pour 15-38 Méditerranée - Mémoire des conflits. 

"L’histoire de la mémoire des conflits fabrique des trajectoires à questionner et à déconstruire. La méthodologie de ce traitement consiste dans un premier temps à faire jaillir le sensible mémoriel d’un matériau humain traversé par la violence de l’exil, de l’oppression, de l’injustice… Ces réalités vécues par ces individus produisent des sentiments, des mots, des transmissions, des pratiques, des trajectoires humaines singulières donc des récits qui posent la question des différentes formes de condition humaine actuelles ou passées.  

Joseph est Arménien même s'il est natif du Liban. En cette identité demeure sa base de présentation. Il se considère cependant comme faisant partie des chrétiens libanais. Dans le "cependant" réside le substrat de cette captation audio graphique sur la mémoire des conflits.

Pour ainsi dire, les conflits impactent avec récurrence les trajectoires des hommes et des femmes qui les subissent. Parfois ces tragédies intégrées et transmises donnent aux acteurs du récit la conviction, la force que l’on met au service de la survivance de sa descendance. Trop heureux d’échapper au pire, ces blessés des guerres des puissances feront tout pour que plus jamais la mort, l’exil, le fracas ne viennent à nouveau taper à leurs portes.

Joseph est dans ce cadre au coeur des intersectionnalités sensibles et mémorielles d’êtres humains confrontés aux affres de la guerre. Dès lors, mon altérité interrogative sera à l’écoute de l’exil contraint du grand père fuyant la folie génocidaire ottomane elle-même inscrite dans le jeu macabre des puissances dominantes de l’époque. Nous voyagerons ainsi dans une mémoire de 73 ans de vie conflictuelle. Des guerres intestines libanaises aux guerres avec les voisins syriens et israéliens, il ne peut enlever de sa mémoire le sort fait aux Palestiniens, comme un miroir de sa propre histoire.

Le temps d’un verre d’Arak avec Joseph, je presse le bouton du P4. L’ambiance rentre par le micro pour laisser place à une personnalité vocale pratiquant un français épicé d’expressions. Il réactive pour vous sa mémoire afin de nous livrer son point de vue sur le drame des Palestiniens en cours.

La télé est en fond, il ne l’éteint jamais selon Josequim sa fille et Couchey sa fille adoptive Ethiopienne. Des bombardements, des civils, des otages, des déplacements de population, des corps blessés, des enfants traumatisés, des hommes les mains au ciel, suppliant Dieu d’arrêter. Les experts sur les plateaux de télévision se succèdent pour gonfler l’audimat de plus de morts, de missiles, d’invectives, d’accusations sur le dos des civils d’où qu’ils viennent.

A l'heure où j'écris cette note d’intention, le montage du son de Joseph est en cours de publication. Il est dans ma tête j’ai peur pour lui, pour sa famille car non loin de là, dans le sud Liban, les bombes sont à l’échauffement et les discours bellicistes surfent sur les réseaux sociaux. Je sais que Joseph, Couchey et Joséquim, sont tous branchés sur leur téléphone ou la télévision comme une forme de pré-conscientisation de la guerre à venir.

Ecoutez comment Joseph comprend la situation à travers son prisme mémoriel sensible.  

Bonne écoute à vous !"

Musique : Osloob

Mémoire des conflits #1 Joseph Arbadjian

La mémoire des conflits - épisode 2 
Réalisation – Justin de Gonzague
Jamal Hamdaoui 
Liban

"Continuons notre aventure sonore à propos de la mémoire des conflits avec Jamal Hamdaoui. Jamal est un palestinien né en 1965 dans le camp de Sabra et Chatila à Beyrouth au Liban. Sa mémoire n’est pas seulement la sienne mais celle de ses parents forcés à quitter la Palestine. De ce fait, il est un maillon d’une mémoire conflictuelle avec comme point de départ la colonisation britannique depuis 1920. Cette histoire est donc une transmission de ses aïeux à ses parents et de Jamal à ses enfants.

Dans ce document audiographique, Jamal parle du long processus d’effacement de son identité transformé en réfugié à perpétuité ; de l'enfermement physique dans un camp de réfugiés ; d’une situation traumatique entretenue par le racisme et l’ostracisme opérés par les autorités libanaises comme israéliennes ; de l’impossibilité d’émancipation professionnelle des Palestiniens à cause de lois spécifiques et contraignantes des gouvernements libanais successifs. 

La réactivation de la mémoire traumatique inscrite dans les différents épisodes conflictuels entre l'Etat israélien et les Palestiniens est aujourd’hui un euphémisme. Dans cette interview de Jamal, je m'attelle à questionner l’historiographie sensible de Jamal de la transmission de ses parents jusqu'à sa mémoire personnelle et vécue de sa condition de réfugié palestinien sur une terre qui n’est pas la sienne. 

Ce parcours singulier et traumatique n’est pas ou très peu questionné dans cette nouvelle phase du conflit entre Israéliens et Palestiniens comme si la question du droit au retour était un rêve à enfouir dans un narratif obsolescent. Jamal lui n’est pas de cet avis car son malheur et la souffrance des siens ne commencent pas le 7 octobre ou le jours d’après avec la “mécanique génocidaire” en cours à Gaza. Il n’oublie pas Deir Yassin en avril 1948, il n’oublie pas Septembre noir en 1970, il n’oubliera jamais Sabra et Chatila en 1982, il avait alors 17 ans. 

Je vous propose une expérience de réactivation du sensible singulière à travers l’écoute du témoignage d’un homme qui est né d’un conflit qui a traversé l’existence de ses grands parents, de ses parents, de lui-même ainsi que de ses enfants qui aujourd’hui, en 2023, ont toujours le statut de réfugiés palestiniens au Liban."

La mémoire des conflits - épisode 2 - Jamal Hamdaoui

Extrait du témoignage de deux marins bénévoles embarqués sur l'Aquarius, le bateau de SOS Méditerranée qui part en Haute-Mer recueillir les bateaux de migrants en détresse au large de la Libye.

"Ce sont des gens qui fuient un système incapable de prendre en charge les maux d'une société"

"Les bateaux pneumatiques sont incapables d'aller plus loin que les eaux internationales"

"Ils ont besoin d'aide car ils ont fui un enfer. Ils ne viennent pas détruire nos sociétés"

Entretien avec le sociologue Smaïn Laacher, auteur d'un ouvrage sur les idées reçues concernant la migration.

« Quand on part dans l'urgence, on n'a ni boussole, ni plan et on n'a pas de  projet »

Idée reçue #2, extrait de l'entretien avec le sociologue Smaïn Laacher à propos de la migration.

« L'espace européen est le continent qui accueille le moins de personnes dans  le monde »

Idée reçue #3, extrait de l'entretien avec le sociologue Smaïn Laacher à propos de la migration.

« La question de l'étranger aujourd'hui est liée à la plénitude de  la souveraineté nationale »

Idée reçue #4, extrait de l'entretien avec le sociologue Smaïn Laacher à propos de la migration.

«On ne peut plus séparer là bas et ici. L’Europe, l'Orient, l'Afrique c'est la méditerranée»

1538mediterranee.com c'est un nouveau site d'info, de nouveaux regards et un réseau social sur la Méditerranée. En ligne depuis le 10 février. Prochain dossier à venir sur la Syrie, six ans après.

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