
D’une rayure


Concerto pour accordéon à quarts de ton et huit musiciens auxquels viendront s’ajouter deux phonographes. Le premier à disque, le second enregistreur sur cylindre de cire. Ils seront placés de part et d’autre du chef.

	Le 78 tours du premier phonographe tournera dans le vide. Il fera entendre une pulsation délicate et régulière. La musique, comme sortie de l’appareil, naîtra de ce frottement de l’aiguille sur le disque. Au début, sans teinte, imitant le grain du phonographe, elle deviendra progressivement colorée et électrique, allant jusqu’à saturer l’espace sonore, pour finalement se désagréger petit à petit comme si l’emballement de la machine avait créé son propre enrayement.

	La théâtralité de cette introduction renvoie au propos musical de la pièce. Volatile par sa conduite et sa consistance, la musique aura l'apparence d’un mirage auditif. Constituée d’une multitude d’éléments complexes, intimement liés les uns aux autres, elle se voudra matière sonore évolutive, organique et impalpable.

	Le second phonographe lira un cylindre sur lequel aura été gravée une partie composée pour la pièce. L’enregistrement sur cire se rapproche d’un rituel de transe. Il demande aux musiciens une immense concentration puisque, unique et continue, la prise de son se fait dans un lieu dont la température avoisine les 30 degrés. L’atmosphère est alors surchargée d’abondantes émanations d’essence de térébenthine, produit permettant la bonne malléabilité de la cire, nécessaire pour fixer l’instant.

	La lecture des deux phonographes entremêlée au jeu de l’ensemble instrumental, libérera l’ambiance mystique de ces enregistrements incrustée au coeur des sillons.

D'une Rayure - Ensemble Aleph

Bastien DAVID