Passeur de poésie - comme pour tous les autres poèmes - je vous laisse celui-ci, sur un banc, au milieu du jardin de votre écoute.
À toutes et à tous, de belles Fêtes et une année 2016 pleine de merveilles !

dit par Gilles-Claude Thériault

Chargée
De fruits légers aux lèvres
Parée
De mille fleurs variées
Glorieuse
Dans les bras du soleil
Heureuse
D'un oiseau familier
Ravie
D'une goutte de pluie
Plus belle
Que le ciel du matin
Fidèle

Je parle d'un jardin
Je rêve

Mais j'aime justement.

Paul ÉLUARD (Médieuses, 1939)

Illustration : Sur un banc… Paul Éluard – Je ne suis pas seul.
Photographie : © Jacques Bousiquier, Picardie, France.
Avec son aimable autorisation.
http://www.imagesdubeaudumonde.com/article-je-ne-suis-pas-seul-un-poeme-de-paul-eluard-40935430.html
« J'ai lu et capté ce poème à livre ouvert à Chaumont-sur-Loire le 19 septembre 2009, lors du Festival international des jardins de couleurs... ».
Jacques Bousiquier


ÉLUARD, Paul – Je ne suis pas seul.

Émile Nelligan (1879-1941) :
un génie précoce au destin troublant.
Il écrit l’ensemble de son œuvre entre 16 et 19 ans.
Son père s’oppose à la voie poétique de son fils ;
sa mère protectrice et aimante est impuissante
devant le drame qui se joue.
Atteint de maladie mentale,
il sera enfermé à 20 ans dans un asile psychiatrique.
Il y meurt à 63 ans.

Texte :
http://www.litteratureaudio.com/forum/textes/saint-georges-de-herve-entrevue-avec-emile-nelligan-14-septembre-1937-bis/page-1

Ambiance musicale :
Ludwig van Beethoven, L’Adieu au Piano,
https://musopen.org/music/589/ludwig-van-beethoven/farewell-to-piano-anh-15/
interprété par le pianiste Luis Sarro.
http://www.felipesarro.com/
Avec la permission de l’artiste.

SAINT-GEORGES, Hervé de – Entrevue avec Émile Nelligan (14 septembre 1937).

pour Maryse Innocenti

dit par Gilles-Claude Thériault

— Le portail est ouvert. Seuls les merles nous accueillent. Un merle fait son nid dans un grand et vieux rosier. Les chats ne viendront pas chercher dans les épines. — Les fleurs ne voient que l’absence, tombent les pétales, renaissent roses et parfums. — Les saccages du vent et les désastres de la nuit n’y feront rien. Souffle la brise de mer et ses baisers de sel. Sonnent les cloches au lointain. — Sonne une heure oubliée. Or la nuit, la maison est plus vide que le jour. L’infinie nostalgie de la présence s’écaille. De nouveau chante le coq. Mais la porte reste fermée. — Elle ne viendra plus goûter aux premières cerises. Et quand la porte s’ouvre, tous les spectres s’affairent ; braise ardente, silhouette agitant ses balais. — Dans les appels d’air tourbillonne l’invisible. Mais quand une porte claque, pour un instant elle revient. Son compagnon solitaire tourne en rond, piétine. — Les rosiers, vous pouvez les couper tous ! crie-t-elle. Un soir, le vent trancha le rosier. — Un signe. — Celui qui perd sa raison perd sa maison. Il ne désire qu’une chose. — Partir. — Peu importe où. 

Venturini, Serge, Éclats d’une poétique des métamorphoses – Livre VII 2013-2015, L’Harmattan, décembre 2015, page 10. 
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=48888

Illustration :
‘L'entrée principale et son rosier ancien’,
http://p3.storage.canalblog.com/38/35/861104/64831147.jpg
blog ‘La vie choisie’, Michaël, printemps 2011.
http://maviechoisie.canalblog.com/
Avec l’aimable autorisation du photographe.

Ce rosier fut planté par un couple de Marseillais, venu trouver refuge dans cette maison, en 1945, pour célébrer la libération.
Aujourd’hui cette maison fut baptisée par Michaël "Le Clos Rosalie" – en mémoire de sa grand-mère que tous surnommaient "Rose".


VENTURINI, Serge – Roserayures.

dit par Gilles-Claude Thériault

Tout redeviendra grand et immense,
Les terres seront simples et les eaux, ridées, 
Très petits, les murs et les arbres, géants ;
multiple et fort, vivra dans les vallées 
un peuple de bergers et de paysans.
 
Il n’y aura plus d’églises qui enserrent 
Dieu comme un fuyard, et qui se lamentent sur lui
ainsi qu’un animal pris au piège et blessé
À tous les inconnus qui frapperont
les maisons ouvriront leurs portes, accueillantes, 
et une senteur d’offrande sans limite
dans toutes les mains et en toi et en moi.

Aucune attente de l’au-delà et aucun regard vers l’ailleurs,
que désir, surtout de ne pas profaner la mort
et se faire humble serviteur des choses de la terre,
afin de n’être plus inconnus à nos propres mains.

RILKE, Rainer Maria – Tout redeviendra grand.

dit par Gilles-Claude Thériault

La clé bénarde tremblait près de la serrure 
Rouillée, lourde, gauche et presque enivrée 
Et la main frileuse qui ce soir la maniait
Cherchait vainement la sombre ouverture 

La nuit funèbre et morne sur les lieux s’abattait
Noyant pareille aux flots d’une mer déchainée
La sombre silhouette harcelée  par le vent
Qu’un vieux réverbère éclairait par moments  

Enfin le veuf a dompté la porte récalcitrante
Qui, fléchie aux tentatives de la vieille clef,
S’ouvrit ce soir dans une voix assourdissante
En dévoilant soudain des d’éclats affolés

Le vieillard grisé s’en va vers le lit défait
Qu’éclairait timide une antique veilleuse
Dans ce grand lit gisait près de son oreiller
L’oreiller de la femme la plus ensorceleuse

Akermi, Ammar - Regards… Poésie – Tunisie 2015.

Illustration : Le lit défait - ‘Go to bed’ 
https://solenndenis.files.wordpress.com/2012/08/lit-modifier.jpg
Photographie : © Solenn Denis
Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
http://solenn.denis.free.fr/

AKERMI, Ammar – Le veuf.

dit par Gilles-Claude Thériault

Les fils de l’averse se tendaient comme une harpe
les nues se blottissaient contre la vaste écharpe
de l’arc lumineux aux multiples facettes
qui déclinait les pastels de toute sa palette.

Puis ce fût une éclipse de lune
la chaleur devint moite, et une à une
dans le ciel en pleurs se noyèrent les étoiles
la nuit tira le rideau de son voile.

Dans le grand sablier de la vie
le temps déversait lentement sa folie
douleur et peur étaient derrière les portes
la milice veillait que personne ne sorte.

Une voiture noire traînait dans la rue
elle roulait doucement, elle était à l’affût
elle guettait, elle happait, et le mot « disparu »
ne devait pas sortir des bouches cousues.

Combien de vies volées ? nul ne pourra savoir
fleurs fanées, oubliées, linceul de mémoire
le brasier du temps consume les souvenirs
tel un feu qui les ronge pour les anéantir.

Françoise Chapron  (tous droits réservés)

Illustration : Pavé nuit sous la pluie Paris
http://www.lsarahdubasphoto.com/?_escaped_fragment_=pav%C3%A9-nuit-sous-la-pluie-paris/zoom/c1n0f/image1mo6
© LSarahDubas, photographe.
Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
http://www.lsarahdubasphoto.com/

CHAPRON, Françoise – Éclipse totale.

Dire un texte = un instantané que prolonge dans le temps l’enregistrement.
J’ai voulu refaire – 5 ans plus tard.

La rencontre de deux êtres
devenus étrangers l’un à l’autre.
Indifférence
Les effets du temps
Disparition des souvenirs
Le masque de la mort
Eros et Thanatos
Mystère

dit par Gilles-Claude Thériault

Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l’heure passé.

Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l’on entend à peine leurs paroles.

Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.

— Te souvient-il de notre extase ancienne ?
— Pourquoi voulez-vous donc qu’il m’en souvienne ?

— Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom ?
Toujours vois-tu mon âme en rêve ? — Non.

— Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches ! — C’est possible.

Qu’il était bleu, le ciel, et grand l’espoir !
— L’espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.

Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.

Illustration : Park Lovers. © Three Loose Coconuts.
http://threeloosecoconuts.com/3txp/
TravelPod par 3lc, Autohome, Stuttgart, Allemagne. Photo : 17 mai 2010.
http://www.travelpod.com/travel-blog-entries/3lc/1/1275411132/tpod.html?pbrowser=/3lc/1/1275411132/filename/park-lovers.jpg

Pour une écoute plurielle :
dit par Jean Yonnel – interprète favori d’Henry de Montherlant – il créa le rôle du roi Ferrante dans ‘La Reine morte’.
http://wheatoncollege.edu/vive-voix/poemes/colloque-sentimental/

Léo Ferré/ Paul Verlaine "Colloque Sentimental",
chanté par Philippe Jaroussky – Jérôme Ducros et le quatuor Ebène.
Les Victoires de la musique classique 2015.
https://www.youtube.com/watch?v=J6GDkRNK95E

Version 1 – dit par Gilles-Claude Thériault
https://www.youtube.com/watch?v=pzpagEhmlfE

VERLAINE, Paul – Colloque sentimental (version 2).

dit par Gilles-Claude Thériault

L’anabase — ἀνάϐασις — l'ascension du poète…

Où mène ce chemin
qu’on suit depuis toujours ?
Il mène au lendemain
et s’oppose au retour.

C’est là que le bonheur
est l’objet d’une quête
et que le promeneur
mendie d’être poète.

J’y fais aussi la manche,
à l’affût d’autres vers :
c’est pour ma page blanche...
pour y voir à travers.

novembre 2015

MARTINEAU, Philippe – Le chemin.

dit par Gilles-Claude Thériault

Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta
Avec le temps qu'arbre défeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n'aille à terre
Avec pauvreté qui m'atterre
Qui de partout me fait la guerre
Au temps d'hiver
Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis à honte
En quelle manière
Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m'était à venir
M'est advenu
Pauvre sens et pauvre mémoire
M'a Dieu donné, le roi de gloire
Et pauvre rente
Et droit au cul quand bise vente
Le vent me vient, le vent m'évente
L'amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta

Illustration : Majestic tree.
Photographe : sandusky.jennifer, 30 octobre 2013.
CC BY 2.0
https://www.flickr.com/photos/127107734@N06/15399295406/

Pour une écoute plurielle :
Léo Ferré - Pauvre Rutebeuf
https://www.youtube.com/watch?v=wQwEXa7I7ag


RUTEBEUF – La complainte.

"Poème écrit en souvenir
de mon ami Louis Rémond."

dit par Gilles-Claude Thériault

Pour vous punir d’avoir trop marché 
le destin vous trancha les deux jambes. 
Et alors qu’au soir de votre vie 
la douleur mangeait votre sourire, 
vous me dîtes : 
« J’ai déjà un pied dans la tombe. » 
alors que vos deux pieds déjà marchaient sous terre. 

Pour vous punir d’avoir trop aimé 
le sort vous arracha la moitié du cœur, 
celle qui naquît en robe blanche... 
Vous n’eûtes que le temps d’esquisser son portrait 
sur une page de votre carnet 
de rendez-vous. 

Alors que l’automne s’alourdissait, 
vous peignîtes une toile hallucinante : 
un ciel immense, 
sculpté dans la cervelle d’un dieu ; 
un ciel plus lourd que l’enfer. 
Je ne vis pas alors 
que c’était votre portrait.

Illustration : Ciel d'orage sur la mer.
Louis Rémond, artiste peintre (1910 - 1978).

"Le poème - cette hésitation prolongée entre le son et le sens". Paul Valéry.


MARTINEAU, Philippe – Autoportrait.

Bonjour,

« Très peu de vraies paroles s'échangent chaque jour, vraiment très peu.
Peut-être ne tombe-t-on amoureux que pour enfin commencer à parler.
Peut-être n'ouvre-t-on un livre que pour enfin commencer à entendre ».
(Christian Bobin)
 
« Donner sa voix », au cœur du mystère,
entre le rêve et la réalité, entre le charnel et le sacré,
pour que la vie sorte du livre et se fasse humaine.
Pour qu’elle parle, qu’elle crie, qu’elle aime, qu’elle pleure et désespère.
Comme dans la vie.
 
Ceux qui ne sont pas amoureux devraient se taire
et « si les mots ne rendent pas compte de la vie,
ce sont les mots qu’il faut changer »,
sachant que « quand tu parles à l’homme, tu charges un navire ».
 
Savoir à la fois et en même temps capter la voix du silence.
Pour que les mots éclatent dans ce silence,
cet « espace de l'esprit là où il peut ouvrir ses ailes ».
(Saint-Exupéry)
 
Gilles-Claude Thériault
 
P.S. Pour le reste, ne pas hésiter à demander…

MARTINEAU, Philippe – Autoportrait.

Gilles-Claude Thériault

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