Je me tiens sur la mémoire du monde,
dans l’appel de la Terre, là où les pieds
boivent la force du sol,
et les anciennes racines me reconnaissent.
Sous mes genoux, je plie mais je me relève,
les courbures sont des prières
que je murmure en avançant.
Je ne crains plus le détour.
Dans les angles sacrés de mes bras,
de mes hanches, de mes coudes,
la souplesse retrouvée me rend à moi-même.
Je redeviens fluide, comme la vie.
Tendus comme des cordes prêtes à rompre,
mes fibres se souviennent de leur force tranquille.
La tension relâchée est un souffle.
Je ne porte plus ce qui n’est pas mien.
J’habite une cathédrale d’os,
un temple de calcaires vivants.
Ma structure sacrée me tient sans me figer.
Je fais de la place.
Dans le lâcher des poisons, le colon libère l’histoire.
Ce qui doit partir part.
Je n’ai plus besoin de le retenir.
Dans la spirale de l’intérieur,
le discernement intime trie l’essentiel.
Je ne suis pas ce que j’avale.
Je suis ce que je transforme.
Dans la fosse chaude du ventre,
j’accueille l’expérience, je digère la lumière.
Je cesse de contracter mes peurs.
Quand le feu monte sous la cage,
je sens la libération de la colère,
et je ne m’y attache plus.
Je suis brasier traversé.
Dans la clarté d’action, la bile ne déborde plus.
Je tranche sans trancher.
Je marche sans rager.
Une légèreté me revient
par la joie qui s’ouvre dans la rate,
je retrouve le goût de danser pour rien.
Et la douceur incarnée caresse mon sucre intérieur,
je cesse de me punir
en oubliant d’être tendre avec moi.
Au creux du dos, dans les reins tremblants,
je rencontre les bêtes anciennes.
Et je leur dis : je suis là.
Je ne partirai plus.
La lente rivière intérieure
emporte mes excès.
Dans la purification lymphatique,
je me nettoie sans violence.
J’ouvre, même brisé.
Je suis passage de l’amour,
et dans le battement du cœur,
je redeviens accueil.
Je respire la profondeur de l’espace,
les poumons s’ouvrent,
je cesse de m’étrangler
avec mes propres silences.
Sous ma peau,
la frontière aimante se détend.
Je m’autorise à être touché
par la vie.
Offrande et création s’inventent dans mes mains.
Je tends, je façonne,
je transforme ce que je saisis.
Entre tête et poitrine,
je relie les mondes.
Ma nuque se dénoue.
Je m’autorise à dire oui.
Et dans la vérité murmurée,
je parle avec ce que je suis.
Ma gorge n’est plus barrage,
elle est rivière.
Je goûte la morsure et le verbe,
mes dents ne gardent plus la peur.
Je dis. Je chante. Je vis.
Je regarde ce qui est.
Mes yeux ne fuient plus la lumière.
Ils apprennent à aimer même ce qui blesse.
Et dans le silence des sons,
je tends l’oreille au subtil.
Ce qui est faible devient source.
Ce qui est discret devient force.
Ma tête s’éclaircit.
Le mental se tait,
le flot cesse de me noyer.
Je retrouve le rivage.
Je touche la mémoire pacifiée,
là où l’émotion devient mémoire
sans être blessure.
Je rends ce qui ne m’appartient plus.
Dans le noir derrière le front,
je vois les yeux fermés.
La lumière sans lampe
guide mes pas intérieurs.
Le balancier de mon souffle
écoute l’oscillation sacrée.
Je ne lutte plus contre moi-même.
Je me régule avec amour.
Et puis, enfin,
je suis corps du monde, battement du cosmos.
Je ne suis plus séparé.
Je suis traversé.
Je suis prêt.

ADN Corps-Monde

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ADN Corps-Monde

Carlos Chapman